Un autre monde

Nous arrivons sous la neige à Valdez, village portuaire de 4 000 âmes. C'est ici que nous établirons notre camp de base pour une semaine.

Les conditions météorologiques nous indiquent des chutes de neige pour nos trois premiers jours. Il va falloir s'occuper et patienter avant notre quête vers le Saint Graal: l'héliski.

Le premier jour, nous prenons nos repères dans cette petite bourgade et parcourons le port sous un peu plus de 40 cm de neige fraiche. Pontons et navires sont recouverts d'un doux manteau blanc.

La neige tombe encore et encore, pour atteindre les 80 cm. Les sourires sont présents et la bonne humeur nous submerge.

Une sortie raquette de quelques heures vers un lac gelé et le glacier de Valdez sera notre occupation pour le deuxieme jour. Nous nous frayons un chemin à travers la taïga et semblons être les seuls à nous balader durant la tempête. Nous nous sentons tellement bien dans ce coin que nous décidons de faire un 100m en raquette, qui finira en plaquages et roulés boulés. Nico retournera quelques jours plus tard reprendre quelques photos du glacier.

Le lendemain Nico et Ju en bons Génie Civils qu'ils sont, partent construire un igloo. Ils y passent un bon après-midi et reviennent heureux comme des gosses. Pour moi c'était repos forcé à cause d'une vive douleur dans la jambe droite due à la sortie raquettes.

L'héliski approche à grands pas. La peur de la mauvaise blessure est présente dans toutes les têtes. Nous passerons donc la veille à jouer à des jeux de société.

Ce jour-là nous avons également rendez-vous au lodge de la compagnie d'héliski pour des formalités administratives ainsi qu'un briefing sécurité. Nous manipulons nos arvas en condition, dans un champs de neige. Le formateur nous résume l'Alaska en nous disant qu'il s'agit d'un des endroits les plus dangereux (en raison de la grande diversité des climats) mais également comme l'un des plus beaux au monde pour rider. Pour reprendre ses mots : "lorsque vous aurez gouté à l'Alaska une fois, vous ne pourrez plus vous en passer. Ca deviendra comme une drogue".

La nuit qui suit est longue, les sommeils sont agités. Nous sommes déjà en train de nous projetter dans notre future journée.

Enfin le jour "J". le soleil est présent, un joli ciel bleu nous accueille mais nous pouvons déjà appercevoir qu'il y a énormément de vent sur les montagnes.

Durant le trajet en voiture nous menant à la base hélico, l'ambiance est électrique. Personne ne parle. Nous sommes tous dans nos pensées, déjà concentrés sur l'objectif. Il y a peut-être un peu d'appréhension envers la grande inconnue. Serons-nous à la hauteur de l'évènement ?

Arrivés sur place, nous nous équipons de nos baudriers (pour l'hélitreuillage en cas de chute dans une crevasse) dans le calme. Les organisateurs nous annoncent que le vent est pour le moment trop fort. Dans les conditions actuelles, il soulève tellement de neige sur les crètes qu'il est impossible pour l'hélicoptère de se poser. L'ambiance est détendue. Il y a quelques discusions entre les riders et les organisateurs, quelques rires, sourires.

Nous patientons donc tous dans l'espoir que le vent se calme, et après trois heures d'attente, ils décident de reporter la journée au lendemain. Nous sommes quelque peu soulagés de ne pas décoller aujourd'hui en espérant avoir de meilleures conditions. Nous profitons de cette demi-journée de repos pour faire le tour de la baie de Valdez et nous balader en face du port.

Cette deuxième nuit avant l'héliski se passe nettement mieux que la première.

Aujourd'hui le vent est tombé, et nous sentons que le décollage aura lieu dès les premiers instants ou nous apercevons les sommets. Les guides sont équipés, et des radios nous sont distribuées. Ce matin, nous serons les premiers à partir avec un sympathique américain, Todd et notre guide, Jerry. La pression monte lorsque nous prenons place dans l'hélicoptère.

La chauffe moteur parait interminable mais au bout de quelques minutes nous voici partis. Nous survolons des glaciers gigantesques, des montagnes majestueuses. La chaine des Chugach Mountains nous offre une inifité de possibilité.

La première dépose est impressionnante, le guide sort le matériel du coffre que nous maintenons au sol pendant que l'helico repart.

Les premiers virages sont magiques, la neige est parfaite, et plus la journée avance, plus Jerry nous emmène dans des pentes importantes et techniques.

L'apothéose de la journée sera "The Wall". Une face monstrueusement engagée, avec une entrée dans le mur à 50°. L'hélicoptère nous dépose en "toe landing", litérallement "atterissage orteil", c'est-à-dire que seul l'avant de l'appareil est posé sur la crête. Pendant que Jerry ouvre la voie, tout le monde est attentif et reste silencieux. Il arrive en bas et nous contacte par talkie walkie : "the snow is really good, have fun guys, take your time". Nico lui répond : "Roger that". Julien est le premier à s'élancer sur ce mur, puis c'est au tour de Nico, avant le mien. La neige est légère, profonde, et la pente est super raide. A l'arrivée, la sensation est immense et vue d'en bas la voie est encore plus impressionnante. Ce mur restera à jamais gravé dans nos mémoires.

Les sentiments ressentis au cour de cette journée sont aussi nombreux qu'indescriptibles. Nous terminerons par une citation de Jerry: "vous ne pourrez jamais expliquer ce que vous avez vécu, il faut le vivre pour le comprendre".