Utah mis la neige ?

Les routes Américaines ont toutes un point commun : elles sont droites et ennuyeuses. Celle qui nous a permis de relier Steamboat Springs à Salt Lake City a fait une exception à la règle : nous ne nous sommes pas ennuyés du trajet.

Tout a commencé sur une ligne droite, tellement droite que la vigilance face au compteur de vitesse s’est affaiblie l’espace de quelques secondes. Notre malchance a fait que cet écart de vitesse s’est produit au moment exact où l’on a croisé Alec Brown, le sheriff du comté, qui s’est empressé de faire demi tour, tous gyrophares dehors, pour nous signaler que nous roulions à 78 mph au lieu de 65. Heureusement ces cowboys de la route ne sont pas tous méchants et nous avons seulement eu droit à un avertissement (ainsi que sa carte de visite).

Sur la route qui relie le Colorado à l’Utah, la faune est abondante mais pas toujours vivante. De nombreux cerfs et wapitis viennent embrasser les pare-buffles car ils ont oublié de regarder avant de traverser. Leur cadavre fait le bonheur de carnassiers tels que corbeaux, coyotes, pygargues à tête blanche, aigles royaux, le tout sous l’œil fasciné des chiens de prairie.

Un fait intéressant enfin sur ces routes, c’est que la DDE locale n’hésite pas à couper un tronçon entier à la circulation, créant un détour de plusieurs centaines de kilomètres traversant des champs de pétroles, canyons abrupts et chemins non pavés. Ce décor pittoresque nous change des grandes lignes droites goudronnées. Après 10h30 de route (nous en avions prévu 7), nous voici enfin arrivés à Salt Lake City.

Nous sommes accueillis à l’auberge par Rodney, qui coupe court à notre hésitation pour le ski du lendemain. En effet, entre Snowbird et Alta, les deux stations du Little Cottonwood, l'une ne tolère pas les snowboarders. Le choix est vite fait si l’on veut que Ju nous suive : direction Snowbird.

Nous somme à l’aube du printemps et la température nous le rappelle. L’état de la neige sur les faces sud et ouest aussi. Malgré cela nous trouvons quelques versants tout à fait exploitables, qui nous permettent de tracer des courbes généreuses et faire un peu d’image, parmi lesquelles l’immortalisation de la chute qui a été décrétée la plus belle du trip à ce jour. Nico a effectivement enfourché une branche de sapin à mach 12 sur une grande courbe à gauche. Le vicieux bout de bois emmena un ski mais pas l’autre, entrainant le malheureux protagoniste la tête la première dans l’épais manteau blanc.

Plus tard dans la journée, nous marchons une petite demi-heure pour trouver un mur vierge. Nous traçons avec délectation, chacun notre tour, 3 splendides lignes sur cette surface immaculée.

A la fin de la journée, nous nous amusons à lire le slogan de l’Utah sur les plaques minéralogiques : « The greatest snow in the world ». Mouais, et ben pas aujourd’hui !

Le lendemain, c’est seulement deux lignes qui seront tracées : Ju reste à l’auberge. Ses talons lui sont douloureux et il souhaite travailler le montage vidéo.

Seb et Nico partent donc entre skieurs dans le Big Cottonwood, à la recherche d’un itinéraire de rando. L’itinéraire suivi sera le Days Fork Canyon. Il fait 8°C. La montée est atroce. La chaleur est étouffante et la neige imbibée d’eau rend l’évolution extrêmement fatigante. Après un picnic et une pause bien méritée au sommet, sous un soleil radieux, nous entreprenons la descente tant attendue. On se rend alors compte qu'elle est presque aussi fatigante que la montée, chaque virage demandant un effort considérable à nos cuisses. Seb signe la deuxième plus belle vautre du trip en enfonçant les 2 skis sur des pitons rocheux, et, par la même occasion, la tête dans la neige. Nous arrivons à la voiture rincés, mais heureux d’avoir pris le soleil.

Il est samedi soir à Salt Lake City, nous avons mérité une petite bière au Beerhave sur la main street.

La route du lendemain n’apporte pas grand chose au récit. Il parait qu’elle est belle, mais sous la pluie, il nous est difficile d’en faire notre propre jugement. Enfin, les traversées de Paris et Montpelier nous ont un peu rappelé le pays. L’arrivée à Teton Village, point de départ de la station Jackson Hole, Wyoming, nous déçoit un peu. La neige a l’air vieille et en faible quantité.

Mais nous avons jugé trop vite : Les sommets se sont fait recouvrir pendant la nuit d’une couche non négligeable de poudre, nous offrant ainsi un terrain de jeu vierge dans l’ensemble. Nous passons la journée à tracer dedans. Nous enchainons frénétiquement petits couloirs, corniches et sous bois immaculés, en aboyant pour se retrouver après nos runs respectifs (technique amusante inspirée de Chris, notre guide de Silverton, Cf. article « Les premières du Colorado). La journée ne pourrait pas se finir mieux que par un phénomène insolite : une mini-tornade qui fait tournoyer la neige dans le ciel du Wyoming. Notre auberge étant équipée d’un atelier, nous en profitons le soir même pour bichonner notre matériel.

Trois jours de route nous attendent. En effet, nous nous disons qu’il est grand temps de quitter les Etats-Unis afin de viser le Canada et des conditions de ski plus généreuses. Nous faisons un petit crochet par Grand Teton National Park pour espérer, en vain, d’apercevoir la faune locale, avant de s’engouffrer toujours plus au nord.